Réchauffement climatique et investissement immobilier

Des étés caniculaires, cela devrait devenir la norme en France d’ici 2050 si l’on en croit les prévisions du CNRS et de Météo France. Avec des températures records enregistrées dans l’Hexagone, en particulier dans son versant sud, il devient légitime pour les investisseurs immobiliers de se poser avec encore plus de prégnance la question de l’emplacement géographique de leur bien. Quels bouleversements climatiques la France va-t-elle connaître d’ici 2100 ? Quels en seront les impacts sur le marché immobilier ? Quels indices retenir pour un investissement en contexte de réchauffement climatique ?

Une planète, deux scénarios

Alors que le sixième rapport d’évaluation du groupe des experts de l’ONU sur le climat est attendu pour 2021-2022, les chercheurs et ingénieurs français, appartenant au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), à Météo-France et au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) ont lancé des travaux visant à émettre des prévisions quant au réchauffement climatique. Deux modèles climatiques ont été décrits par les scientifiques, qui donnent lieu à des impacts socio-économiques différents.

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Neutralité carbone d’ici 2060 ?

Le scénario le plus optimiste détaille une hausse des températures de 2°C, qui permettrait d’atteindre les objectifs fixés par la COP21. Pour y parvenir toutefois, il faudrait pouvoir mettre en place « une forte coopération internationale [et]donnant priorité au développement durable« .

« Le scénario le plus optimiste « implique une diminution immédiate des émissions de CO2 jusqu’à atteindre la neutralité carbone à l’échelle de la planète vers 2060, ainsi qu’une captation de CO2 atmosphérique de l’ordre de 10 à 15 milliards de tonnes par an en 2100″, ce que la technologie ne permet pas de faire actuellement » – Extrait de l’article « Le réchauffement climatique dépassera les 2°C en 2040, selon les prévisions françaises, mais… » publié le 17 septembre 2019 sur le Huffpost.

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+7% degrés d’ici 2100

La conjecture la moins favorable évoque une hausse de 7°C d’ici 2100 engendrée par une croissance économique alimentée par les énergies fossiles. Ces hypothèses divergentes démontrent à quel point l’avenir de la planète se joue dans la sphère politique.

« La température moyenne de la planète à la fin du siècle dépend donc fortement des politiques climatiques qui seront mises en œuvre dès maintenant et tout au long du XXIe siècle » – Extrait de l’article « Le réchauffement climatique dépassera les 2°C en 2040, selon les prévisions françaises, mais… » publié le 17 septembre 2019 sur le Huffpost.

Migration des populations : un phénomène déjà à l’œuvre

Avec des températures records enregistrées sur tout le territoire au cours de l’été 2019 – 45.9°C dans le Gard le 28 juin – les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure des conséquences induites par les changements météorologiques. Le retentissement majeur, c’est la volonté des populations de migrer vers des secteurs où l’air est plus respirable. Certaines régions moins impactées par le phénomène caniculaire, comme la Bretagne, développe déjà un marketing qui vise à attirer ceux que l’on nomme les « réfugiés climatiques ». Si pour l’heure, ces déplacements de population vers le nord se limitent aux vacances, il se pourrait qu’ils se fassent plus pérennes comme le montre le film d’anticipation : « Les Temps Changent« . Dans ce documentaire-fiction de Marion Milne, le vignoble bordelais voit disparaître son dernier pied de vigne sous la contrainte de la sécheresse et des invasions de criquets pèlerins fuyant l’Afrique brûlante.

« Le film « 2075, les temps changent » […] peut-être pris comme un épisode des chroniques d’un désastre annoncé : celui de l’incapacité de l’humanité à endiguer les désordres climatiques engendrés par sa propre incurie à l’égard de la planète Terre, son véhicule avec lequel, pourtant, elle voyage au cœur de l’univers » – Extrait de l’article « Ce que « 2075, les temps changent » nous dit sur demain », publié le 10 juillet 2017 sur le Huffpost.

Vers un immobilier prédictif ?

Le réchauffement climatique invite les secteurs économiques responsables de la pollution, immobilier en tête, à changer leurs habitudes de production. Il est également question d’identifier les risques liés aux évolutions environnementales pour adapter le bâti existant. Dans une thèse professionnelle intitulée « L’immobilier face au risque climatique : dynamique des marchés et outils d’évaluation immobilière« , Chayma Oueslati, architecte et experte en immobilier, interroge le comportement des acquéreurs en réponse aux risques les plus menaçants : l’inondation et la submersion marine.

Risques climatiques et valeur des biens

L’étude de Chayma Oueslati dévoile trois types de réponses aux risques climatiques sur le marché immobilier :

  • la négation du risque dans le prix de vente ou l’estimation de la valeur d’un bien immobilier du fait de l’absence d’aléas climatiques depuis plusieurs années ;
  • la décote partielle des prix suite à des événements climatiques marquants mais non répétés ;
  • la création d’une mémoire du risque dans les zones fréquemment touchées par des épisodes traumatisants.

Devant le constat d’un impact réel du risque sur certaines transactions et orientations d’investissement, la jeune architecte a imaginé un outil prédictif de quantification des risques climatiques susceptibles d’améliorer la prise de décisions des acheteurs immobiliers. Il serait question à travers ce modèle prévisionnel, de croiser des données techniques et financières pour quantifier les risques qui affectent un bâtiment : vagues de chaleur, dégradation de la qualité de l’air, inondation, etc. Les « risques de transition » pourraient également être pris en compte dans la création de cet outil : démographie, économie, utilisation des ressources, etc.

« Une telle approche permettrait d’estimer l’évolution de la valeur d’un bien immobilier dans le futur. Le tout en tenant compte des conditions climatiques qui s’annoncent de plus en plus contraignantes et impossibles à ignorer dans l’avenir.
Ces informations seront d’une grande utilité pour éclairer les preneurs de décision en termes d’investissement, d’assurance ou encore de développement immobilier et urbain » – Extrait de l’article « Climat et immobilier : des risques à connaître pour adapter l’existant, investir et construire autrement », publié le 25 avril 2019 sur le site GA Smart Building.

Le secteur du bâtiment, plus gros consommateur d’énergie – 23% des gaz à effet de serre d’après le ministère de la Transition écologique et solidaire – impose depuis 1974 des réglementations thermiques qui visent à améliorer les performances du bâti et à réduire son impact sur l’environnement. Ces normes, qui concernent le marché immobilier neuf, se présentent comme indispensables dans un contexte de réchauffement climatique et contribuent à maintenir le poids économique de la filière BTP. En effet, les investisseurs sont plus enclins à placer leur argent dans un logement qui réponde aux enjeux d’avenir.

La RT2020

La règlementation thermique de 2012 – RT2012 – sera prochainement remplacée par une norme encore plus coercitive : la RT2020 (réglementation thermique 2020). Les futures habitations de même que les bâtiments publics et tertiaires devront répondre à des mesures encore plus exigeantes en matière de performance énergétique.

Alors que la RT2012 tendait vers la mise en place du bâtiment basse consommation (le « BBC »), la RT2020 consacre le bâtiment à énergie positive (« BEPOS »). Différence majeure entre les deux normes, on passe du recours à au moins une source d’énergie renouvelable à la construction de bâtiments qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment pour leur propre fonctionnement. Certaines régions de France se présentent comme des leaders en matière de labels environnementaux et elles constituent, de ce fait, des emplacements de choix pour concrétiser un achat immobilier durable. Aussi, pour effectuer un investissement immobilier judicieux en contexte de réchauffement climatique ne serait-il pas pertinent de se tourner vers des biens neufs, dont l’empreinte carbone sera prochainement nulle, tout en misant sur une ville qui soit le moins possible aux prises avec les changements météorologiques ?

Investir dans le Nord de la France

Existe-t-il des territoires qui souffrent moins des évolutions climatiques qui s’opèrent actuellement dans le monde ? Pour le dire plus trivialement, faut-il investir dans le Nord de la France ? Si ces questions peuvent prêter à rire, elles dénotent pourtant une certaine réalité. Le soleil n’a plus l’attrait qu’il avait autrefois auprès des vacanciers comme en témoigne cet article de presse évocateur : « La Bretagne, terre d’accueil d’une France accablée par la canicule » (paru le 24 juillet 2019 dans l’Express).

« Que son climat soit un atout (ou pas vraiment), qu’elle s’en serve (ou non), la Bretagne est devenue l’une des destinations préférées des Français, mais aussi des étrangers. Les derniers chiffres de l’Insee le prouvent : en 2018, le nombre de nuitées – 20 millions d’avril à septembre – a augmenté de 2,6% par rapport à l’année précédente (+6,5% pour le Finistère et +4,7% dans les Côtes d’Armor). Avec une présence remarquée des touristes Britanniques et des Allemands » – Extrait de l’article « La Bretagne, terre d’accueil d’une France accablée par la canicule » paru le 24 juillet 2019 dans l’Express.

Si côté investisseurs aucune étude ne démontre une relation de cause à effet entre le réchauffement climatique et l’augmentation des transactions dans certaines régions de France, il paraît évident que des métropoles comme Lille, Rennes ou encore Nantes vont connaître un essor particulier du fait de leur implantation nordique. Dans la Cité des Ducs, la proximité de l’océan Atlantique implique un climat tempéré océanique propice à la végétation, source de fraîcheur dans les villes de Loire-Atlantique. Métropole innovante, Nantes déploie ces dernières années des projets immobiliers qui se voient récompensés pour leur caractère écologique à l’image du programme Îlink, qui utilise le réseau de chaleur urbain de l’Île de Nantes pour renforcer la performance énergétique du bâti.