Promulguée le 28 février 2022 et entrée en vigueur progressivement à partir du 1er juin de la même année, la loi Lemoine marque un tournant décisif dans le paysage de l’assurance emprunteur en France. Portée par la députée Patricia Lemoine, cette réforme redéfinit en profondeur les règles du jeu pour tous les emprunteurs souhaitant souscrire ou modifier leur assurance de prêt immobilier. Elle s’inscrit dans une longue lignée de textes législatifs visant à renforcer les droits des consommateurs et à favoriser la concurrence dans un secteur longtemps dominé par les assurances groupes proposées par les banques.
Plan de l'article
La résiliation à tout moment de votre contrat d’assurance
Depuis le 1er septembre 2022, ce qui change avec la loi Lemoine se concrétise avant tout par la possibilité offerte aux emprunteurs de résilier leur assurance de prêt immobilier à tout moment, sans avoir à respecter la moindre échéance particulière ni délai de préavis. Cette mesure révolutionnaire met fin aux contraintes imposées par les dispositifs précédents, notamment l’amendement Bourquin de 2018 qui n’autorisait qu’une résiliation annuelle à la date anniversaire du contrat. Désormais, dès que vous trouvez une offre plus avantageuse ou mieux adaptée à votre profil, vous pouvez changer d’assureur en toute liberté.
Cette nouvelle flexibilité permet aux emprunteurs de profiter pleinement de la concurrence qui s’est développée sur le marché de l’assurance emprunteur. Alors que les banques proposaient traditionnellement leurs propres assurances groupes, souvent standardisées et parfois coûteuses, les emprunteurs peuvent désormais comparer les offres externes et opter pour des contrats individualisés qui tiennent compte de leur situation personnelle, de leur âge, de leur profession ou encore de leur état de santé. Cette ouverture à la concurrence représente un levier d’économies considérable, avec des gains pouvant atteindre jusqu’à 15 000 euros sur la durée totale d’un prêt immobilier.
Un droit de résiliation sans contrainte de date
La suppression des échéances de résiliation constitue une avancée majeure pour tous les emprunteurs. Auparavant, la loi Hamon de 2014 avait instauré un droit de résiliation au cours des douze premiers mois suivant la signature du prêt, tandis que l’amendement Bourquin permettait ensuite une résiliation annuelle à date fixe. Ces dispositifs, bien qu’utiles, imposaient des contraintes temporelles qui limitaient la réactivité des consommateurs face aux évolutions du marché. Avec la loi Lemoine, ces barrières disparaissent totalement, offrant une liberté contractuelle inédite.
Il convient toutefois de rappeler que cette résiliation reste conditionnée au respect d’une exigence fondamentale : le nouveau contrat d’assurance doit offrir des garanties au moins équivalentes à celles du contrat initial. Cette règle vise à protéger les établissements prêteurs en s’assurant que le remboursement du prêt reste garanti en cas de décès, de perte totale et irréversible d’autonomie ou d’autres événements couverts. Les banques disposent d’un délai de dix jours ouvrés pour accepter ou refuser la substitution d’assurance, et tout refus doit être motivé par écrit. En cas de contestation, l’emprunteur peut saisir un médiateur pour faire valoir ses droits.
Les démarches simplifiées pour changer d’assureur
La loi Lemoine a considérablement simplifié les formalités administratives nécessaires au changement d’assurance emprunteur. Fini l’obligation d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, qui engendrait des coûts et des délais supplémentaires. Désormais, un simple courrier, un courriel ou même une demande via l’espace client en ligne de l’assureur suffisent pour enclencher la procédure de résiliation. Cette dématérialisation des démarches rend le processus plus rapide et plus accessible, notamment pour les emprunteurs peu familiers avec les procédures administratives complexes.
Le changement s’effectue sans frais de résiliation ni pénalités, ce qui constitue un autre avantage non négligeable. Par le passé, certains contrats prévoyaient des frais de sortie qui pouvaient décourager les emprunteurs souhaitant résilier. Avec la loi Lemoine, ces obstacles financiers sont définitivement levés. De plus, les assureurs et les banques ont désormais l’obligation d’informer chaque année leurs clients de leur droit de résiliation, sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Cette obligation d’information renforce la transparence et garantit que les emprunteurs sont pleinement conscients de leurs droits.
La suppression du questionnaire médical sous conditions
L’autre pilier essentiel de la loi Lemoine réside dans la suppression du questionnaire de santé pour une large partie des emprunteurs. Auparavant, souscrire une assurance emprunteur impliquait systématiquement de remplir un questionnaire médical détaillé, voire de se soumettre à des examens complémentaires. Cette étape pouvait constituer un frein majeur pour les personnes ayant ou ayant eu des problèmes de santé, qui se voyaient parfois refuser l’accès au crédit ou se voyaient appliquer des surprimes importantes. En supprimant cette obligation pour une majorité de dossiers, la loi Lemoine facilite grandement l’accession à la propriété, en particulier pour les jeunes emprunteurs en bonne santé.
Cette mesure s’inscrit dans une volonté plus large de lutter contre les discriminations liées à la santé dans l’accès au crédit immobilier. Elle complète les dispositifs existants tels que la convention AERAS, qui offre des solutions aux emprunteurs présentant des risques de santé élevés, en élargissant son champ d’application à des montants de prêt pouvant désormais atteindre 420 000 euros contre 320 000 euros auparavant pour l’achat d’une résidence principale. La fin du prêt doit alors intervenir avant le soixante et onzième anniversaire du souscripteur.
Les critères d’éligibilité à l’exemption médicale
Pour bénéficier de la suppression du questionnaire médical, deux critères cumulatifs doivent être remplis. Premièrement, le montant total des prêts immobiliers cumulés ne doit pas dépasser 200 000 euros par emprunteur, soit 400 000 euros pour un couple. Ce seuil permet de couvrir une très large part des projets d’acquisition immobilière en France, notamment pour les résidences principales. Deuxièmement, le remboursement total du prêt doit être prévu avant le soixantième anniversaire de l’emprunteur. Cette condition vise à limiter l’exemption aux emprunteurs présentant statistiquement un risque moindre pour les assureurs.
Il est important de préciser que cette suppression du questionnaire de santé ne concerne que les prêts destinés à l’achat d’un bien immobilier à usage d’habitation unique ou mixte, c’est-à-dire combinant usage résidentiel et professionnel. Les prêts souscrits par des sociétés civiles immobilières, les rachats de crédits non immobiliers ou encore les prêts à la consommation restent exclus du dispositif. Par ailleurs, les assureurs conservent le droit de poser des questions sur les habitudes de vie des emprunteurs, telles que la consommation de tabac ou d’alcool, ainsi que sur leur profession, car ces éléments influencent également le calcul du risque.
Les avantages pour les emprunteurs en bonne santé
La suppression du questionnaire médical représente un gain de temps considérable et une simplification notable du processus de souscription pour les emprunteurs qui remplissent les conditions d’éligibilité. En évitant les formalités médicales, ces derniers peuvent obtenir leur assurance emprunteur beaucoup plus rapidement, ce qui accélère l’ensemble du montage du dossier de prêt immobilier. De plus, cela élimine le stress lié à la divulgation d’informations personnelles sur leur état de santé et réduit le risque de refus ou de surprime injustifiée.
Pour les personnes ayant eu des problèmes de santé par le passé, la loi Lemoine apporte également une amélioration significative grâce à la réduction du droit à l’oubli. Désormais, les anciens malades du cancer ou de l’hépatite C n’ont plus à déclarer leur pathologie passée si celle-ci a pris fin depuis au moins cinq ans, contre dix ans auparavant. Cette harmonisation du droit à l’oubli, applicable quel que soit l’âge au moment du diagnostic, permet à des milliers d’emprunteurs de retrouver un accès normal au crédit immobilier sans subir de discrimination. Cette mesure renforce considérablement l’équité et l’inclusion dans le secteur du financement immobilier.
Enfin, la loi Lemoine impose aux banques et aux assureurs d’afficher le coût total de l’assurance sur huit ans sur l’offre de prêt, ce qui renforce la transparence et permet aux emprunteurs de mieux comparer les offres. Cette obligation d’information, combinée à la possibilité de résilier à tout moment et à la suppression du questionnaire médical sous conditions, fait de la loi Lemoine un outil puissant au service des consommateurs. Elle encourage une véritable concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur et ouvre la voie à des économies substantielles, tout en facilitant l’accès à la propriété pour le plus grand nombre. En s’inscrivant dans la continuité des lois Lagarde de 2010, qui a introduit la délégation d’assurance, Hamon de 2014 et Sapin II de 2016, la loi Lemoine parachève une décennie de réformes visant à rééquilibrer les rapports entre emprunteurs et prêteurs.

